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résoudre, il était très obstiné dans les idées qu’il avait conçues une fois. Nulle influence, pas même celle de la reine, n’eût pu le tirer de là. Cette résolution de ne point agir, de ne point se compromettre, allait parfaitement d’ailleurs à son inertie naturelle. Il était fort indisposé contre les émigrés qui remuaient sur la frontière, criaient, menaçaient, faisaient blanc de leur épée, sans s’inquiéter s’ils aggravaient la position du roi, dont ils se disaient les amis. En décembre 1790, leur conseil se tenant à Turin, le prince de Condé proposait d’entrer en France et de marcher sur Lyon, « quoiqu’il pût arriver au roi ».

Louis XVI avait de plus un autre scrupule pour faire la guerre. C’était la nécessité de s’aider de l’étranger. Il connaissait très bien l’état de l’Europe, les vues intéressées des puissances. Il voyait l’esprit intrigant, ambitieux de la Prusse, qui, se croyant jeune, forte, très militaire, poussait partout au trouble pour trouver quelque chose à prendre. Dès 1789, la Prusse était là, qui offrait à Louis XVI d’entrer avec cent mille hommes. D’autre part, le machiavélisme de l’Autriche ne lui était pas moins suspect ; il n’aimait pas ce Janus à deux faces : dévot, philosophe. C’était pour lui une tradition paternelle et maternelle ; sa mère était de la maison de Saxe ; son père, le dauphin, crut mourir empoisonné par Choiseul, ministre lorrain, créature de Lorraine-Autriche, élevé par Marie-Thérèse, et qui maria Louis XVI à une Autrichienne. Quoique tendrement attaché à la reine, il devenait fort défiant