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injustes) qui coururent sur eux à l’occasion de la mort de Mirabeau, auront conduit les Jacobins à suivre de préférence un homme net, pauvre, austère, de précédents inattaquables. La scène remarquable, observée de tous, à l’enterrement de Mirabeau (Lameth au bras de Sieyès, couvert par lui contre les soupçons du peuple, un Jacobin protégé en quelque sorte devant le peuple par l’impopulaire abbé !), c’était de quoi faire réfléchir la société jacobine. Elle laissa les Lameth, se donna à Robespierre.

L’affaire des Jacobins de Lons-le-Saulnier, décidée contre les Lameth par la société de Paris, vers la fin de mars, me paraît dater leur décès. On pourrait dire presque qu’ils meurent avec Mirabeau ; vainqueurs, vaincus, ils s’en vont à peu près en même temps.

Rien n’avait plus contribué à accélérer leur ruine que leur opinion illibérale sur les droits des hommes de couleur. Les Lameth avaient des habitations aux colonies, des esclaves. Barnave parla hardiment pour les planteurs. L’Assemblée, balancée entre la question trop évidente du droit et la crainte d’exciter un incendie général, rendit cet étrange décret : « Qu’elle ne délibérerait jamais sur l’état des personnes non nées de père et de mère libres, si elle n’en était requise par les colonies. » On était tout à fait sûr que cette réquisition ne viendrait jamais : c’était s’interdire de jamais délibérer sur l’esclavage des noirs. Les planteurs voulurent élever une statue à Barnave, comme s’il était mort déjà ; cela n’était que trop vrai.