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Non, mais d’une reine, une sorte d’époux politique, comme avait été Mazarin. Cette folie resta d’autant mieux dans son esprit que cette unique et rapide apparition fut comme une sorte de songe qui ne revint plus, qu’il ne put comparer sérieusement avec la réalité. Il en garda l’illusion. Il la vit, comme il la voulait, une vraie fille de Marie-Thérèse, violente, mais magnanime, héroïque. Cette erreur fut d’ailleurs habilement cultivée, entretenue. Un homme lui fut attaché jour et nuit, M. de La Marck, qui lui-même aimait beaucoup la reine, beaucoup Mirabeau, et qui, ne le quittant pas, fortifia toujours en lui ce rêve du génie de la reine… Si belle, si malheureuse, si courageuse ! Une seule chose lui manquait, la lumière, l’expérience, un conseil hardi et sage, une main d’homme où s’appuyer, la forte main de Mirabeau !… Telle fut la véritable corruption de celui-ci, une coupable illusion de cœur, pleine d’ambition, d’orgueil.

Maintenant, assemblons en jury les hommes irréprochables, ceux qui ont droit de juger, ceux qui se sentent purs eux-mêmes, purs d’argent, ce qui n’est pas rare, purs de haine, ce qui est rare (que de puritains qui préfèrent à l’argent la vengeance et le sang versé !…) Assemblés, interrogés, nous nous figurons qu’ils n’hésiteront pas à décider comme nous :

Y eut-il trahison ?… Non.

Y eut-il corruption ?… Oui.

Oui, l’accusé est coupable. — Aussi, quelque dou-