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salut ? Le salut est-il donc chose plus claire dans l’esprit de l’homme que la justice ne l’est dans son cœur ? « Qui sait en ce monde (un jeune homme d’un grand cœur me disait hier ce mot), qui sait au vrai ce que c’est que le salut ? Est-ce vivre ? Est-ce mourir ? »

Pour moi, tout le spectacle de l’histoire m’a montré une chose (que les empiriques ignorants de la politique feront bien d’apprendre) : c’est que les plus sûrs du salut, c’étaient encore, après tout, ceux qui ne voulaient point de salut aux dépens de la justice.

La justice est une idée positive, absolue, qui se suffit à elle-même. Le salut est une idée négative, qui implique la négation de la ruine, de la mort, etc. Ceux qui firent descendre la Révolution de la justice au salut, de son idée positive à son idée négative, empêchèrent par cela même qu’elle ne fut une religion. Jamais idée négative n’a fondé une foi nouvelle. La foi ancienne dès lors devait triompher tôt ou tard de la foi révolutionnaire. L’ancienne n’aurait pu légitimement céder qu’à une foi plus désintéressée, plus haute, mieux fondée dans la justice.

Personne, du commencement, ne vit tout cela.

L’Assemblée constituante, par la voix de Mirabeau, proclama le principe même de la Révolution (conforme au Rousseau de l’Émile) : « Le droit est le souverain du monde. » Et encore par Dupont (de Nemours) : « Périssent les colonies plutôt qu’un