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même par ses huées un bal qui semblait insulter à la douleur générale.

Cependant on ouvrait le corps. Des bruits sinistres avaient circulé. Un mot dit à la légère, qui eût confirmé l’idée d’empoisonnement, aurait pu coûter la vie à telle personne peut-être innocente. Le fils de Mirabeau assure que la plupart des médecins qui firent l’autopsie « trouvèrent des traces indubitables de poison », mais que sagement ils se turent.

Le 3 avril, le département de Paris se présenta à l’Assemblée nationale, demanda, obtint que l’église de Sainte-Geneviève fût consacrée à la sépulture des grands hommes, et que Mirabeau y fût placé le premier. Sur le fronton devaient être inscrits ces mots : « Aux grands hommes la patrie reconnaissante. » Descartes y était. Voltaire et Rousseau devaient y venir. « Beau décret ! dit Camille Desmoulins. Il y a mille sectes et mille églises entre les nations, et, dans une même nation, le Saint des saints pour l’un est l’abomination pour l’autre. Mais, pour ce temple et ses reliques, il n’y aura pas de disputes. Cette basilique réunira tous les hommes à sa religion. »

Le 4 avril eut lieu la pompe funèbre la plus vaste, la plus populaire qu’il y ait eu au monde, avant celle de Napoléon, au 15 décembre 1840. Le peuple seul fit la police et la fit admirablement. Nul accident dans cette foule de trois ou quatre cent mille hommes. Les rues, les boulevards, les fenêtres, les toits, les arbres, étaient chargés de spectateurs.