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avait boudé les Jacobins, mais en leur rendant justice. Les applaudissements s’élevèrent. Enfin lorsque, terminant, il dit : « Je resterai avec vous jusqu’à l’ostracisme », il avait reconquis les cœurs.

Il sortit et ne revint plus. Son génie était tout contraire à celui des Jacobins. Il ne subissait pas volontiers le joug de cet esprit moyen qui, n’ayant ni le besoin de talent qu’éprouve une élite, ni l’entraînement du peuple, son instinct naïf et profond, exige qu’on soit moyen, juste à la même hauteur, pas plus haut et pas plus bas, et qui, tout défiant qu’il peut être, se laisse néanmoins gouverner par une tactique médiocre. La Révolution qui montait amenait à la puissance ces médiocrités actives.

La classe moyenne, bourgeoise, dont la partie la plus inquiète s’agitait aux Jacobins, avait son avènement. Classe vraiment moyenne en tout sens, moyenne de fortune, d’esprit, de talent. Le grand talent était rare, plus rare l’invention politique, la langue fort monotone, toujours calquée sur Rousseau. Grande, immense différence avec le seizième siècle, où chacun a une langue forte, une langue sienne, qu’il fait lui-même, et dont les défauts énergiques intéressent, amusent toujours. Sauf quatre hommes de premier ordre, trois orateurs, un écrivain, tout le reste est secondaire. L’idole qui passait, La Fayette, et les idoles qui viennent, girondines et montagnardes, sont généralement médiocres. Mirabeau se voyait noyé, à la lettre, dans la médiocrité.