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« Distinction insolente ! c’est le malheur de la nation que tant de députés modestes ne soient pas chefs d’opinion, tant d’excellents citoyens !… Le patriotisme est pour eux une religion dont il leur suffit que le ciel voie la ferveur ! Ils n’en sont pas moins précieux à la patrie ; et plût à Dieu que vous l’eussiez aussi bien servie par vos discours qu’eux par leur silence ! »

Parmi d’autres paroles, Lameth en dit une furieuse ; il est rare que l’on montre de tels abîmes de haine : « Je ne suis pas de ceux qui pensent que la bonne politique veut qu’on ménage M. de Mirabeau, qu’on ne le désespère pas… »

Mirabeau siégeait à côté, « et il lui tombait, dit Camille Desmoulins, de grosses gouttes du visage. Il était devant le calice, dans le jardin des Olives. »

Noble et juste comparaison, sortie du cœur d’un ennemi, ennemi sans fiel, innocent, et qui, dans sa colère même, relève encore, malgré lui, celui qu’il a tant aimé.

Oui, Camille avait raison. Le grand orateur, qui, sur une question d’équité, de liberté, d’humanité, se voyait périr, n’était pas indigne, après tout, d’avoir aussi la sueur de sang, de boire le calice. Quoi qu’il ait fait, ce vicieux, ce coupable, cet infortuné grand homme, qu’il en soit purifié. D’avoir souffert pour la justice, pour le principe humain de notre Révolution, ce sera son expiation, son rachat devant l’avenir.