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L’Assemblée permit néanmoins à Mesdames de continuer leur voyage. Elle chargea son comité de constitution de lui présenter le projet d’une loi sur l’émigration.

Ce projet, goûté de Merlin, le futur rédacteur de la Loi des suspects, était déjà, en effet, comme un premier article du code de la Terreur ; il était copié de l’autre Terreur, de la Révocation de l’Édit de Nantes. La législation barbare de Louis XIV, modèle de celle-ci, commence de même par frapper l’émigré de confiscation ; puis, de peine en peine, toujours plus dure et plus absurde, elle va jusqu’à prononcer les galères contre la pitié, l’humanité, contre l’homme charitable qui a sauvé le proscrit.

Donc il s’agissait de savoir si l’on ferait le premier pas dans les voies de Louis XIV, dans les voies de la Terreur, si la France, libre d’hier, serait fermée comme un cachot. Une discussion qui intéressait à ce point la liberté demandait d’abord une chose : que l’Assemblée fût libre et calme. Cependant, dès le matin, tout annonçait une émeute. Deux sortes de personnes y travaillaient, les Maratistes, les aristocrates. Marat, par sa feuille du jour, sommait le peuple de courir à l’Assemblée, de manifester hautement, violemment son opinion, de chasser les députés infidèles. D’autre part, les royalistes, travaillant habilement le faubourg Saint-Antoine (c’est à eux que La Fayette attribue ce mouvement), l’avaient poussé vers Vincennes, lui faisant croire que l’on y organisait une nouvelle Bastille.