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d’avoir lieu. Marat, Desmoulins, toute la presse crie qu’elles emportent des millions, qu’elles enlèvent le dauphin, qu’elles partent devant le roi pour retenir les logis. Il n’était pas difficile de deviner qu’elles auraient peine à passer. Arrêtées d’abord à Moret ; leur escorte force l’obstacle. Arrêtées à Arnay-le-Duc. Mais là nul moyen de passer. Elles écrivent, et le roi écrit pour que l’Assemblée les autorise à continuer leur route.


Cette affaire, grave en elle-même, l’a été bien autrement, en ce qu’elle fut un solennel champ de bataille, où se rencontrèrent et se combattirent deux principes et deux esprits : l’un, le principe original et naturel qui avait fait la Révolution, la justice, l’équitable humanité, — l’autre, le principe d’expédients, d’intérêt, qui s’appela le salut public et qui a perdu la France :

Perdu, en ce que la jetant dans un crescendo de meurtres, qu’on ne pouvait arrêter, elle rendit la France exécrable dans l’Europe, lui créa des haines immortelles ;

Perdu, en ce que les âmes brisées, après la Terreur, de dégoût et de remords se jetèrent à l’aveugle sous la tyrannie militaire ;

Perdu, en ce que cette tyrannie eut pour dernier résultat de mettre son ennemi à Paris et son chef à Sainte-Hélène.

Dix ans de salut public, par les mains des républicains ; quinze de salut public par l’épée de l’em-