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sante. C’étaient au fond des royalistes qui maltraitaient des royalistes.

L’inquisition jacobine se trouvait en vérité dans des mains peu rassurantes : son journal de délations dans celles de l’Orléaniste Laclos, et son comité d’intrigues et d’émeutes sous la trinité Lameth.

Une inquisition sans religion ! sans foi arrêtée ! une inquisition exercée par des hommes d’autant plus inquiets et âpres qu’ils sont plus suspects eux-mêmes !

Cette puissance, mal fondée, mal autorisée et mal exercée, n’en avait pas moins une action immense. Elle agissait au nom d’une société considérée comme le nerf du patriotisme même et de la Révolution ; elle agissait de toutes les forces multiples des sociétés de province dociles et ferventes, ignorant généralement le foyer d’intrigues d’où leur venait le mot d’ordre.

La Révolution hier était une religion ; elle devient une police.

Cette police, que va-t-elle être ? Changement inattendu ! Une machine à faire des aristocrates, à multiplier les amis de la contre-révolution. Elle va donner à celle-ci les faibles, les neutres (un grand peuple !), les bonnes âmes ignorantes et compatissantes, etc.

Une foule d’hommes inoffensifs, qui, sans idées arrêtées, tenaient d’habitudes ou de position à l’Ancien-Régime, se trouvèrent, par l’effet des délations jacobines, dans une situation impossible, voisine du désespoir. Qu’auraient-ils fait ? Renié l’opinion qu’on