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calomnie. Il y avait eu récemment une collision sanglante entre les chasseurs soldés et les gens de La Villette, qu’on accusait de contrebande ; on répandit dans Paris que les Monarchiens avaient payé ces soldats pour assassiner le peuple. Barnave leur lança, de la tribune nationale, un mot cruellement équivoque : « qu’ils distribuaient au peuple un pain empoisonné ». On ne leur permit pas de réclamer, de faire expliquer ce mot. Ils s’adressèrent aux tribunaux ; mais alors, armant contre eux des gens payés ou égarés, les Jacobins en finirent à coups de pierres et de bâtons ; les blessés, loin d’être plaints, furent en grand péril ; on soutint effrontément, on répandit dans la foule qu’ils portaient des cocardes blanches.

Au milieu de cette lutte brutale, les Jacobins proclamèrent un principe qui, dès l’origine, avait été le leur, mais qu’ils n’avaient pas avoué. Ils jurent, le 24 janvier, « de défendre de leur fortune et de leur vie quiconque dénoncerait les conspirateurs ».

Tout ceci ferait supposer que la société avait dès lors ce fanatisme profond dont plus tard elle fit preuve. On le croirait, on se tromperait.

Beaucoup d’hommes ardents, et ceux-là devaient peu à peu se rattacher à Robespierre, y étaient entrés, il est vrai. Mais la masse appartenait à deux éléments tout autres :

1o Aux fondateurs primitifs, au parti Duport, Barnave et Lameth. Ils tâchaient de se soutenir, en présence des nouveaux venus, par une ostentation