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observé que cet entraînement mutuel. En suivant attentivement les dates, on comprendra mieux ceci ; c’est le seul moyen de saisir le mouvement qui les précipite, comme s’il y avait un prix proposé pour la violence, de suivre cette course à mort de clubs à clubs et de journaux à journaux. Là tout cri a son écho ; la fureur pousse la fureur. Tel article produit tel article, et toujours plus violent. Malheur à qui reste derrière !… Presque toujours Marat a l’avance sur les autres. Quelquefois passe devant Fréron, son imitateur ; Prudhomme, plus modéré, a pourtant des numéros furieux. Alors Marat court après. Ainsi, en décembre 1790, quand Prudhomme a proposé d’organiser un bataillon de Scaevola contre les Tarquins, une troupe de tueurs de rois, Marat devient enragé, vomit mille choses sanguinaires.

Ce crescendo de violence n’est pas un phénomène particulier aux journaux ; ils ne font généralement qu’exprimer, reproduire la violence des clubs. Ce qui fut hurlé le soir s’imprime la nuit à la hâte, se vend le matin. Les journalistes royalistes versent de même au public les flots de fiel, d’outrages et d’ironie qu’ils ont puisés le soir dans les salons aristocratiques ; les réunions du pavillon de Flore, chez Mme de Lamballe, celles que tiennent chez eux les grands seigneurs près d’émigrer, fournissent des armes à la presse, tout aussi bien que les clubs.

L’émulation est terrible entre les deux presses. C’est un vertige de regarder ces millions de feuilles qui tourbillonnent dans les airs, se battent et se croi-