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les auteurs soient des hommes honorables, la passion, la préoccupation systématique, sans doute aussi la précipitation avec laquelle ils travaillèrent, leur ont fait admettre dans leur recueil une quantité innombrable d’erreurs matérielles qu’ils trouvaient dans les grandes collections, et ils ont ajouté les leurs[1].

Leurs idées ont acquis aussi une grande influence par ce qu’en ont emprunté des hommes fort supérieurs en talent littéraire et bien moins systématiques. Les derniers historiens de la Révolution, MM. de Lamartine, Louis Blanc, Esquiros (que je ne prétends nullement juger, l’éloge me mènerait bien loin), sont, malgré leurs différences, d’accord avec M. Buchez sur deux points essentiels. En ces points, ils sont tous contraires à la tradition de l’esprit moderne, à celle de la France. Cette tradition n’est pas moins, selon moi, que la conscience nationale. Jusqu’à quel point la science, aidée du talent et du prestige de l’art, peut-elle avoir raison contre la conscience populaire ? C’est ce que le temps jugera.

  1. J’en ferais un livre plus gros que le leur ; mais ce qu’il y a de plus curieux, c’est de voir comme ils escamotent les affaires ecclésiastiques, suppriment les discours les plus forts sur ces matières, les disant de peu d’importance, tandis que, dans leurs préfaces, les mêmes matières sont présentées comme les plus importantes.

    Parfois l’esprit de système les mène à des mutilations très graves. Par exemple, au 6 août 1789, ils suppriment la proposition que fait Buzot de déclarer que « les biens ecclésiastiques appartiennent à la nation ». Ils craignent de donner à un homme de la Gironde cette grande initiative. — Au 27 juillet 1789, ils omettent une discussion tout entière, ce qui les dispense de dire que Robespierre demanda la violation du secret des lettres, etc. (Voir le tome II, 1re édition, 1834.)