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Quoique Marat parle beaucoup du prodigieux succès de ses livres en Angleterre, des boîtes d’or qu’on lui envoyait, il revint très pauvre. Et c’est alors, dit-on, qu’il fut parfois réduit à vendre ses remèdes sur les places de Paris. Cependant son dernier livre pouvait le recommander ; un médecin quasi spiritualiste ne pouvait déplaire à la cour : un livre de médecine galante (j’avais oublié tout à l’heure d’indiquer ce caractère du livre De l’Homme) pouvait réussir auprès des jeunes gens, à la cour du comte d’Artois. Il y a, en effet, souvent un ton galantin, des scènes équivoques ou sentimentales, aveux surpris, jouissances, etc., sans compter tels avis utiles sur l’effet de l’épuisement. Marat entra dans la maison du jeune prince, d’abord par l’humble emploi de médecin de ses écuries, puis avec le titre plus relevé de médecin de ses gardes du corps.

C’est un des côtés assez tristes de l’ Ancien-Régime : peu, bien peu des hommes de lettres, des savants, qui devinrent hommes politiques, avaient pu se passer de haute protection ; tous eurent besoin de patronage. Beaumarchais fut d’abord auprès de Mesdames, puis chez Duverney ; Mably chez le cardinal de Tencin ; Chamfort chez le prince de Condé ; Rulhière chez Monsieur ; Malouet chez Madame Adélaïde ; Laclos, chez Mme de Genlis ; Brissot, chez le duc d’Orléans, etc. ; Vergniaud fut élevé par la protection de Turgot et de Dupaty ; Robespierre par l’abbé de Saint-Waast, Desmoulins par le chapitre de Laon, etc. Marat ne recourut à la protection du comte d’Artois