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ne pouvons ici, l’histoire de ce vieux paradoxe, dont Marat approcha toujours, sans y tomber tout à fait, de cette doctrine qu’un de nos contemporains a formulée en trois mots : « la propriété, c’est le vol. » Doctrine négative, qui est commune à plusieurs sectes, du reste fort opposées.

Rien de plus facile que de supposer une société juste, aimante, parfaite de cœur, pure encore et abstinente (condition essentielle), qui fonderait et maintiendrait une communauté absolue de biens. Celle des biens est fort aisée, quand on a celle des cœurs. Et qui donc n’est communiste dans l’amour, dans l’amitié ? On a vu une telle chose entre deux personnes au dernier siècle, entre Pechméja et Dubreuil, qui vécurent et moururent ensemble. Pechméja essaya, dans un poème en prose (le Télèphe, ouvrage malheureusement faible et de peu d’intérêt), de faire partager aux autres l’attendrissante douceur qu’il trouvait à n’avoir rien en propre que son ami.

Le Télèphe de Pechméja n’enseigna pas la communauté plus efficacement que n’avaient fait la Basiliade de Morelly et son Code de la nature. Tous les poèmes et les systèmes qu’on peut faire sur cette doctrine supposent, comme point de départ, ce qui est la chose difficile entre toutes, ce qui serait le but suprême : l’union des volontés. Cette condition, si rare, qu’on trouve à peine en quelques âmes d’élite, un Montaigne, un La Boétie, dispenserait de tout le reste. Elle-même, elle est indispensable. Sans elle la