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purent se décider à laisser leurs évêques au moment critique ; la contrainte les choqua, le danger les tenta, la beauté solennelle d’une telle scène gagna leur imagination, et ils refusèrent.

Dès la première séance, où l’on interpella le seul évêque de Clermont, on pouvait juger de l’effet. Grégoire et Mirabeau, le jour suivant (4 janvier), tâchèrent d’adoucir. Grégoire dit que l’Assemblée n’entendait nullement toucher au spirituel, qu’elle n’exigeait même pas l’assentiment intérieur, ne forçait pas la conscience. Mirabeau alla jusqu’à dire que l’Assemblée n’exigeait pas précisément le serment, mais seulement qu’elle déclarait le refus incompatible avec telles fonctions, qu’en refusant de jurer on était démissionnaire. C’était ouvrir une porte. Barnave la ferma avec une aigre violence, croyant sans doute regagner beaucoup dans l’opinion ; il demanda et obtint qu’on ordonnât de jurer sur l’heure.

Mesure imprudente qui devait avoir l’effet de décider le refus. Les refusants allaient avoir la gloire du désintéressement et aussi celle du courage ; car la foule assiégeait les portes, on entendait des menaces. Les deux partis s’accusent ici ; les uns disent que les Jacobins essayèrent d’enlever le serment par la terreur ; les autres que les aristocrates apostèrent des aboyeurs pour constater la violence qu’on leur faisait, rendre odieux leurs ennemis, pouvoir dire, comme ils le firent en effet : « Que L’Assemblée n’était pas libre. »