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C’est alors qu’un ennemi, terrifié de ses paroles, rendant hommage, dans la mort, au génie qui l’a frappé, le peindra d’un mot éternel : le Pluton de l’éloquence.

Cette figure est un cauchemar qu’on ne peut plus soulever, un mauvais songe qui pèse, et l’on y revient toujours. On s’associe machinalement à cette lutte visible des principes opposés ; on participe à l’effort intérieur, qui n’est pas seulement la bataille des passions, mais la bataille des idées, l’impuissance de les accorder ou de tuer l’une par l’autre. C’est un Œdipe dévoué, qui, possédé de son énigme, porte en soi, pour en être dévoré, le terrible sphynx[1].

  1. Ce portrait (collection de M. de Saint-Albin) représente, selon moi, Danton en 1790 au moment où le drame se noue, Danton relativement jeune, dans une étonnante concentration de sang, de chair, de vie, de force. C’est Danton avant. — Un petit et merveilleux dessin de David, fait à la plume, dans une séance de nuit de la Convention, donne Danton après, Danton à la fin de 1793, les yeux bien ouverts alors, mais si cruellement creusés ! lançant la terreur, mais visiblement le cœur déchiré !… Personne ne verra ce dessin tragique sans un mouvement de douleur, sans s’écrier malgré soi : « Ah ! barbare ! ah ! infortuné !… » Entre ces deux solennels portraits, il y a deux croquis de David où on le voit de profil ; mais c’est un tel mystère de douleur et d’horreur que je ne veux pas en parler encore. Cela viendra assez tôt.