Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/337

Cette page a été validée par deux contributeurs.

(en haine de Mirabeau) voté le décret qui interdit le ministère aux députés. Ils ne doutaient pas que, dans les circonstances nouvelles, tout changement ne plaçât le pouvoir entre leurs mains ou celles de leurs amis. Aussi insistèrent-ils vivement pour faire prier le roi de renvoyer les ministres, et, d’abord par l’émeute, ils vinrent à bout de chasser Necker. L’Assemblée, contre toute attente, refusa de demander le renvoi des autres. Camus, Chapelier, les Bretons, deux cents députés de la gauche, votèrent pour la négative. Il y fallut employer un grand mouvement des sections de Paris, qui demandèrent non plus le renvoi, mais le procès des ministres. Ce vœu fut présenté à l’Assemblée par l’organe de Danton ; la première apparition de cette tête de Méduse indiquait assez qu’on ne reculerait devant nul moyen de terreur.

La cour, qui, à cette époque, plaçait son espoir dans l’excès des maux et tenait à constater, devant l’Europe, que la royauté n’était plus, aurait voulu que le roi priât l’Assemblée de choisir elle-même les ministres. Mirabeau eut vent de la chose et s’y opposa violemment, craignant sans doute que l’Assemblée ne choisît parmi ses meneurs ordinaires, qu’elle n’abrogeât en leur faveur le décret qui interdisait le ministère aux députés.

Le triumvirat vit dès lors qu’il n’amènerait jamais la cour à lui remettre le pouvoir. Les Lameth, élevés à Versailles dans la faveur du roi, savaient que leur ingratitude les rendait l’objet d’une haine