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monde comprit que cela impliquait le droit égal des citoyens.

En octobre 1789, l’Assemblée ne reconnaît le droit électoral qu’à ceux qui payeront la valeur de trois journées de travail. De six millions qu’avait donnés le suffrage universel, les électeurs sont réduits à quatre millions deux cent quatre-vingt-dix-huit mille. L’Assemblée craignait alors deux choses opposées, la démagogie des villes et l’aristocratie des campagnes ; elle craignait de faire voter deux cent mille mendiants de Paris, sans parler des autres villes, et un million de paysans qui dépendaient des seigneurs.

Cela était spécieux en 1789, beaucoup moins en 1791. Les campagnes, qu’on croyait serviles, s’étaient montrées au contraire généralement révolutionnaires ; presque partout les paysans avaient embrassé les légitimes espérances du nouvel ordre des choses, ils s’étaient mariés en foule, indiquant assez par là qu’ils ne séparaient pas l’idée d’ordre et de paix de celle de la liberté.

La foi était immense dans ce peuple ; il fallait avoir foi en lui. On ne sait pas assez tout ce qu’il fallut de fautes et d’infidélités pour lui ôter ce sentiment. Il croyait d’abord à tout, aux idées, aux hommes, s’efforçant toujours, par une faiblesse trop naturelle, d’incarner en eux les idées ; la Révolution aujourd’hui lui apparaissait dans Mirabeau, demain dans Bailly, La Fayette ; des figures, même ingrates et sèches, des Lameth et des Barnave, lui