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un maître, un directeur pour la petite famille qu’il raisonnait et prêchait.

Ce petit homme, si mûr, était le meilleur élève du collège d’Arras. Pour un si excellent sujet, on obtint sans peine de l’abbé de Saint-Waast une des bourses dont il disposait au collège Louis-le-Grand. Il arriva donc tout seul à Paris, séparé de ses frère et sœurs, sans autre recommandation qu’un chanoine de Notre-Dame, auquel il s’attacha beaucoup. Mais rien ne lui réussissait ; le chanoine mourut bientôt. Et il apprit en même temps qu’une de ses sœurs était morte, la plus jeune et la plus aimée.

Dans ces grands murs sombres de Louis-le-Grand, tout noirs de l’ombre des Jésuites, dans ces cours profondes où le soleil apparaît si rarement, l’orphelin se promenait seul, peu en rapport avec les heureux, avec la jeunesse bruyante. Les autres, qui avaient des parents, qui, aux congés, respiraient l’air de la famille et du monde, sentaient moins la rude atteinte de cette triste éducation, qui ôte à l’âme sa fleur, la brûle d’un hâle aride. Elle mordit profondément sur l’âme de Robespierre.

Orphelin, boursier sans protection, il lui fallait se protéger par son mérite, ses efforts, une conduite excellente. On exige d’un boursier bien plus que d’un autre. Il est tenu de réussir. Les bonnes places, les prix, qui sont la couronne des autres, sont comme un tribut du boursier, un payement qu’il fait à ses protecteurs. Position humiliée, triste et dure, qui pourtant ne paraît pas avoir altéré beaucoup le carac-