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La littérature française est ici en majorité. La Harpe, Marie-Joseph Chénier, Chamfort, Andrieux, Sedaine, tant d’autres ; et les artistes abondent. David, Vernet, Larive, et, la Révolution au théâtre, le jeune romain Talma. Aux portes, pour viser les cartes et reconnaître les membres, deux censeurs-portiers, Laïs le chanteur, et ce beau jeune homme, le digne élève de Mme de Genlis, le fils du duc d’Orléans.

L’homme noir qui est au bureau, qui sourit d’un air si sombre, est l’agent même du prince, le trop célèbre auteur des Liaisons dangereuses. Grand contraste ! À la tribune, parle M. de Robespierre.

Un honnête homme, celui-là, qui ne sort pas des principes. Homme de mœurs, homme de talent. Sa voix faible et un peu aigre, sa maigre et triste figure, son invariable habit olive (habit unique, sec et sévèrement brossé), tout cela témoigne assez que les principes n’enrichissent pas fort leur homme. Peu écouté à l’Assemblée nationale, il prime, primera toujours davantage aux Jacobins. Il est la société même, rien de plus et rien de moins. Il l’exprime parfaitement, marche d’un pas avec elle, sans la devancer jamais. Nous le suivrons de très près et très attentivement, marquant, datant chaque degré dans sa prudente carrière, notant aussi sur son pâle visage le profond travail qu’y fera la Révolution, les rides précoces des veilles et les sillons de la pensée. Il faut le raconter avant de le peindre. Produit tout artificiel de la fortune et du travail, il dut peu à la nature ; on ne le comprendrait pas, si l’on ne connais-