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des moyens analogues, ils se déclarèrent hardiment amis de la délation, ils la proclamèrent le premier des devoirs du citoyen. La surveillance mutuelle, la censure publique, même la délation cachée, voilà ce qu’ils enseignèrent, pratiquèrent, s’appuyant à ce sujet des plus illustres exemples de l’Antiquité. La cité antique, grecque et romaine, la petite cité monastique du Moyen-âge, qu’on appelle couvent, abbaye, ont pour principe le devoir de perfectionner, épurer toujours, par la surveillance que tous les membres de l’association exercent les uns sur les autres. Et tel est aussi le principe que les Jacobins appliquent à la société tout entière.

Nés dans un grand danger national, au milieu d’une immense conspiration, que niaient les conspirateurs (dont ils se sont vantés depuis), les Jacobins formèrent, pour le salut de la France, une légion, un peuple d’accusateurs publics.

Mais, à la grande différence de l’Inquisition du Moyen-âge, qui, par le confessionnal et mille moyens différents, pénétrait jusqu’au fond des âmes, l’inquisition révolutionnaire n’avait à sa disposition que des moyens extérieurs, des indices souvent incertains. De là une défiance excessive, maladive, un esprit d’autant plus soupçonneux qu’il avait moins de certitude d’atteindre le fond. Tout alarmait, tout inquiétait, tout paraissait suspect.

Craintes trop naturelles dans le péril où l’on voyait la France, la Révolution, la cause de la liberté et du genre humain ! Cette heureuse révolution, attendue