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Le fonds était bien préparé. Sismondi (nullement défavorable aux Anglais et qui s’est marié chez eux) fait cette remarque très juste sur leur histoire au dix-huitième siècle. Ils étaient d’autant plus belliqueux qu’ils ne faisaient jamais la guerre. Ils ne la faisaient du moins ni par eux-mêmes ni chez eux. Ils se croyaient inattaquables ; de là une sécurité d’égoïsme qui leur endurcissait le cœur, les rendait violents, insolents, irritables pour tout ce qui résistait. Le châtiment de cette disposition haineuse fut le progrès de la haine, la triste facilité avec laquelle ils se laissèrent mener par leurs grands, leurs riches, à toutes les folies que la haine inspire. Les bonnes qualités de ce peuple, laborieux, sérieux, concentré, tournèrent toutes au mal. Une vertu inconnue au continent, et qui a, il faut le dire, servi souvent beaucoup leurs hommes, les Pitt, les Nelson et autres, la doggedness, ainsi tournée, fut une sorte de rage mue, cette fureur sans cause du bouledogue, qui mord sans savoir ce qu’il mord et qui ne lâche jamais.

Pour moi, ce triste spectacle ne m’inspire pas haine pour haine. Non, plutôt pitié !… Peuple frère, peuple qui fut celui de Newton et de Shakespeare, qui n’aurait pitié de vous voir tomber à cette crédulité basse, à cette lâche déférence pour nos ennemis communs, les aristocrates, jusqu’à prendre au mot, recevoir avec respect, confiance, tout ce que le nobleman, le gentleman, le lord, vous a dit contre des gens dont la cause était la vôtre ?… Votre misérable prévention