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fut modifiée sensiblement en eux par Les nécessités de la grande lutte qu’ils eurent à soutenir, par la furieuse âpreté du combat, par l’irritation des obstacles, l’ulcération des inimitiés.

En sorte que, pendant qu’une partie de la bourgeoisie fut corrompue par l’égoïsme et la peur, l’autre fut effarouchée par la haine, et comme dénaturée, transportée hors de tout sentiment humain. — Le peuple, violent sans doute et furieux, mais n’étant point systématiquement haineux, sortit bien moins de la nature.

Deux faiblesses : la haine et la peur.

Il fallait (chose rare, difficile, impossible peut-être dans ces terribles circonstances), il fallait rester fort, afin de rester bon.

Tous avaient aimé certainement le 14 juillet. Il eût fallu aimer le lendemain.

Il eût fallu que la partie timide de la bourgeoisie se souvînt mieux de ses pensées humaines, de ses vœux philanthropiques ; qu’elle persistât au jour du péril ; qu’effrayée ou non, elle fit comme on fait en mer, qu’elle se remît à Dieu, qu’elle jurât de suivre la foi nouvelle en tous les genres de sacrifice qu’elle imposerait pour sauver le peuple.

Il eût fallu encore que la partie hardie, révolutionnaire de la bourgeoisie, au milieu du danger, en plein combat, gardât son cœur plus haut, qu’elle ne se laissât point ébranler, rabaisser de son sublime élan aux bas-fonds de la haine.

Ah ! qu’il est difficile, aux plus forts même qui com-