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choisie, divine !… Et qui dira comment une autre peut revenir ? Qui se chargera d’expliquer ce mystère profond qui fait naître un homme, un peuple, un Dieu nouveau ?

La conception ! l’instant unique, rapide et terrible !… Si rapide et si préparé ! Il y faut le concours de tant de forces diverses, qui, du fond des âges, de la variété infinie des existences, viennent ensemble, pour ce seul instant.

Un fait a été remarqué, c’est que la France, comme une femme qui se prépare à un grand enfantement, avait, outre la génération révolutionnaire, sacrifiée à l’action, une autre génération en réserve, plus féconde et plus inventive, celle des hommes qui eurent vingt ans, ou un peu plus, en 1790. — Il y avait eu là un flot incroyable de puissance et de génie ; deux années (1768-1769) avaient produit tout à la fois Bonaparte, Hoche, Marceau et Joubert, Cuvier et Chateaubriand, les deux Fourier. — Saint-Martin, Saint-Simon, de Maistre, Bonald et Mme de Staël naissent un peu avant, ainsi que Méhul, Lesueur et les Chénier. Un peu après, Geoffroy-Saint-Hilaire, Bichat, Ampère, Senancour[1].

Quelle couronne pour la France de la Fédération

  1. Si l’on cherche la cause de cette étonnante éruption de génie, on pourra dire sans doute que ces hommes trouvèrent dans la Révolution l’excitation la plus puissante, une liberté d’esprit toute nouvelle, etc. Mais, selon moi, il y a primitivement une autre cause. Ces enfants admirables furent conçus, produits au moment où le siècle, moralement relevé par le génie de Rousseau, ressaisit l’espoir et la foi. À cette aube matinale d’une religion nouvelle, les femmes s’éveillèrent. Il en résultat une génération plus qu’humaine.