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En réalité, une seule classe, le Clergé, pouvait, avec quelque apparence, se dire spoliée. Et pourtant il résultait de cette spoliation que la masse du Clergé, affamée sous l’Ancien-Régime au profit de quelques prélats, avait enfin de quoi vivre.

Les nobles avaient perdu leurs droits féodaux ; mais dans beaucoup de provinces, spécialement en Languedoc, ils gagnaient bien plus comme propriétaires à ne plus payer la dîme qu’ils ne perdaient comme seigneurs en droits féodaux.

Pour n’avoir plus les honneurs gothiques et ridicules des fiefs, devenus un non-sens, ils n’étaient pas descendus. Presque partout, avec une déférence aveugle, on leur avait donné les vrais honneurs du citoyen, dont la plupart n’étaient guère dignes, les premières places des municipalités, les grades de la garde nationale.

Confiance excessive, imprudente. Mais ce jeune monde, en présence des perspectives infinies qui lui ouvraient l’avenir, marchandait peu avec le passé. Il lui demandait seulement de le laisser aller et vivre. La foi, l’espoir, étaient immenses. Ces millions d’hommes, hier serfs, aujourd’hui hommes et citoyens, évoqués en un même jour, d’un coup, de la mort à la vie, nouveau-nés de la Révolution, arrivaient avec une plénitude inouïe de force, de bonne volonté, de confiance, croyant volontiers l’incroyable. Eux-mêmes, qu’étaient-ils ? Un miracle. Nés vers avril 1789, hommes au 14 juillet, hommes armés surgis du sillon, tous, aujourd’hui ou demain,