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dit qu’au moment où les fédérés arrivaient, on devait leur épargner l’humiliation de voir des provinces enchaînées aux pieds de Louis XIV, à la place des Victoires, qu’il fallait faire disparaître ces statues. Un député du Midi, profitant de l’émotion généreuse que cette proposition excitait dans l’Assemblée, demanda qu’on effaçât tous les titres fastueux qui blessaient l’égalité, les noms de comtes, de marquis, les armoiries, les livrées. La proposition, appuyée par Montmorency, par La Fayette, ne fut guère combattue que par Maury (fils, comme on sait, d’un cordonnier). L’Assemblée, séance tenante, abolit la noblesse héréditaire (19 juin 1790). La plupart de ceux qui avaient voté y eurent regret le lendemain. L’abandon des noms de terres, le retour aux noms de famille presque oubliés, désorientait tout le monde ; La Fayette devenait tristement M. Motier, Mirabeau enrageait de n’être plus que Riquetti.

Ce changement n’était pas cependant un hasard, un caprice ; c’était l’application naturelle et nécessaire du principe même de la Révolution. Ce principe n’est que la justice, qui veut que chacun réponde pour ses œuvres, en bien ou en mal. Ce que vos aïeux ont pu faire compte à vos aïeux, nullement à vous. À vous d’agir pour vous-mêmes ! Dans ce système, nulle transmission du mérite antérieur, nulle noblesse. Mais aussi nulle transmission des fautes antérieures. Dès le mois de février, la barbarie de nos lois condamnant à la potence deux jeunes gens pour de faux billets, l’Assemblée décida, à cette occasion, que