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pensées, nous eûmes un temple, ce jour-là, comme on n’en avait eu jamais !…

Plus d’église artificielle, mais l’universelle église. Un seul dôme, des Vosges aux Cévennes et des Pyrénées aux Alpes.

Plus de symbole convenu. Tout nature, tout esprit, tout vérité.

L’homme qui, dans nos vieilles églises, ne se voit point face à face, s’aperçut ici, se vit pour la première fois, recueillit dans les yeux de tout un peuple une étincelle de Dieu.

Il aperçut la nature, il la ressaisit et il la retrouva sacrée, il y sentit Dieu encore.

Et ce peuple, et cette terre, il trouva son nom : Patrie.

Et la Patrie, tout aussi grande qu’elle soit, il élargit son cœur, jusqu’à l’embrasser. Il la vit des yeux de l’esprit, l’étreignit des vœux du désir.

Montagnes de la Patrie, qui bornez nos regards, et non nos pensées, soyez témoins que si nous n’atteignons pas de nos bras fraternels la grande famille de France, dans nos cœurs elle est contenue…

Fleuves sacrés, îles saintes où fut dressé notre autel, puissent vos eaux, qui murmurent sous le courant de l’esprit, aller dire à toutes les mers, à toutes les nations, qu’aujourd’hui, au solennel banquet de la liberté, nous n’aurions pas rompu le pain sans les avoir appelées, et qu’en ce jour de bonheur, l’humanité tout entière s’est trouvée présente dans l’âme et les vœux de la France !