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À Saint-Jean-du-Gard, près d’Alais, le curé et le pasteur s’embrassèrent à l’autel. Les catholiques menèrent les protestants à l’église ; le pasteur siégea à la première place du chœur. Mêmes honneurs rendus par les protestants au curé, qui, placé chez eux au lieu le plus honorable, écoute le sermon du ministre. Les religions fraternisent au lieu même de leur combat, à la porte des Cévennes, sur les tombes des aïeux qui se tuèrent les uns les autres, sur les bûchers encore tièdes… Dieu, accusé si longtemps, fut enfin justifié… Les cœurs débordèrent ; la prose n’y suffit pas, une éruption poétique put soulager seule un sentiment si profond ; le curé fit, entonna un hymne à la Liberté ; le maire répondit par des stances ; sa femme, mère de famille respectable, au moment où elle mena ses enfants à l’autel, répandit aussi son cœur dans quelques vers pathétiques.

Les lieux ouverts, les campagnes, les vallées immenses où généralement se faisaient ces fêtes, semblaient ouvrir encore les cœurs. L’homme ne s’était pas seulement reconquis lui-même, il rentrait en possession de la nature. Plusieurs de ces récits témoignent des émotions que donna à ces pauvres gens leur pays vu pour la première fois… Chose étrange ! ces fleuves, ces montagnes, ces paysages grandioses, qu’ils traversaient tous les jours, en ce jour ils les découvrirent ; ils ne les avaient vus jamais.

L’instinct de la nature, l’inspiration naïve du