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rations naturelles entre les deux rives des fleuves, que l’État reconnut, proclama et consacra.

La plupart des fédérations ont elles-mêmes conté leur histoire. Elles l’écrivaient à leur mère, l’Assemblée nationale, fidèlement, naïvement, dans une forme bien souvent grossière, enfantine ; elles disaient comme elles pouvaient ; qui savait écrire écrivait. On ne trouvait pas toujours dans les campagnes de scribe habile qui fût digne de consigner ces choses à la mémoire. La bonne volonté suppléait. Vénérables monuments de la fraternité naissante, actes informes, mais spontanés, inspirés, de la France, vous resterez à jamais pour témoigner du cœur de nos pères, de leurs transports, quand pour la première fois ils virent la face trois fois aimée de la patrie.

J’ai retrouvé tout cela, entier, brûlant, comme d’hier, au bout de soixante années, quand j’ai récemment ouvert ces papiers, que peu de gens avaient lus. À la première ouverture, je fus saisi de respect ; je ressentis une chose singulière, unique, sur laquelle on ne peut pas se méprendre. Ces récits enthousiastes adressés à la patrie (que représentait l’Assemblée), ce sont des lettres d’amour.

Rien d’officiel ni de commandé. Visiblement, le cœur parle. Ce qu’on y peut trouver d’art, de rhétorique, de déclamation, c’est justement l’absence d’art, c’est l’embarras du jeune homme qui ne sait comment exprimer les sentiments les plus sincères, qui emploie les mots des romans, faute d’autres, pour dire un amour vrai. Mais, de moment en moment,