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de la propriété, je veux dire de la plus simple propriété, du travail de l’homme.

Les associations de villages furent des sociétés de garantie : 1o contre l’homme d’affaires ; 2o contre le brigand, — deux mots souvent synonymes.

Conjuration contre les hommes d’argent, collecteurs, régisseurs, procureurs, huissiers, contre cet affreux grimoire qui, par une magie inconnue, avait desséché la terre, anéanti les bestiaux, maigri le paysan jusqu’à l’os, jusqu’au squelette.

Confédération aussi contre cette bande de pillards qui couraient la France, gens sans travail, affamés, mendiants devenus voleurs, qui la nuit coupaient les blés, même en vert, tuaient l’espérance. Si les villages n’avaient pris les armes, une famine terrible en fût résultée, une année comme fut l’an 1000, et plusieurs du Moyen-âge. Ces bandes mobiles, insaisissables, attendues partout et que la terreur rendait comme présentes partout, glaçaient d’effroi nos populations moins militaires qu’aujourd’hui.

Tout village arma. Les villages se promirent protection mutuelle. Ils convenaient entre eux de se réunir en cas d’alarme en tel lieu, dont la position était centrale, ou qui dominait un passage de route ou de rivière, important pour le pays.

Un seul fait éclaircira mieux. Il rappelle sous quelques rapports la panique de Saint-Jean-du-Gard, que j’ai racontée plus haut.

Un jour d’été, de grand matin, les habitants de Chavignon (Aisne) virent, non sans crainte, leurs