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violence du climat, une étincelle, suffisaient. Il aurait dû comprendre que, pour refaire du fanatisme, il fallait du temps, de la patience, de l’obscurité, un pays moins surveillé, loin des routes et des grandes villes. On pouvait, à la bonne heure, travailler lentement ainsi le Bocage vendéen ; mais agir en pleine lumière, au beau soleil du Midi, sous l’œil inquiet des protestants, dans le voisinage des grands centres, comme Bordeaux, Marseille, Montpellier, qui voyaient tout, qui pouvaient, à la moindre lueur, venir, marcher, sur l’étincelle… c’était un essai d’enfant.

Froment fit ce qu’il pouvait. Il montra beaucoup d’audace, de décision, et il fut abandonné[1].

Il éclata au vrai moment, voyant que l’affaire d’Avignon allait gâter celle de Nîmes, ne comptant pas trop ses chances, mais tâchant de croire, en brave, que ces gens douteux, qui jusque-là n’osaient se déclarer pour lui, prendraient enfin leur parti quand ils le verraient engagé, qu’ils ne pourraient de sang-froid le voir écraser.

  1. Froment échappa au massacre. Quelque peu favorable qu’on soit et à l’homme et au parti, il est impossible de ne pas s’intéresser à son étrange destinée. Honoré, anobli, comblé par le comte d’Artois et l’émigration ; puis, en 1816, délaissé, renié !… On a détruit partout avec soin les brochures qu’il publia alors, le procès du vieux serviteur contre un maître ingrat et sans cœur.

    Dirai-je que ce maître alla jusqu’à lui ôter, après le procès, la misérable petite pension alimentaire qu’il avait ? Et cela, après trente années de service gratuit, voulant que l’homme, ruiné, endetté, usé pour lui, mourût au coin d’une borne… Les brochures de Froment mériteraient d’être réimprimées, ainsi que les Mémoires de l’émigré Vauban, devenus si rares. On devrait réimprimer aussi le très habile plaidoyer de M. Mérilhou pour Froment (1823).