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Personne, dans les vingt années qui s’écoulent entre la grande époque des deux maîtres et la Révolution, entre la pensée et l’action, personne, dis-je, n’a sérieusement continué leur œuvre.

Donc la Révolution trouve la pensée humaine où ils l’ont laissée : l’ardente humanité dans Voltaire, la fraternité dans Rousseau, deux bases, certes, religieuses, mais posées seulement, très peu formulées.

Le dernier testament du siècle est dans deux pages de Rousseau, d’une tendance fort diverse.

Dans l’une, au Contrat social, il établit et il prouve que le chrétien n’est pas, ne peut être citoyen.

Dans l’autre, qui est l’Émile, il cède à son enthousiasme pour l’Évangile, pour Jésus jusqu’à dire : « Sa mort est d’un Dieu ! »

Cet élan de sentiment et de tendresse de cœur fut noté, consigné comme un aveu précieux, comme un démenti solennel que se donnait la philosophie du dix-huitième siècle. De là un malentendu immense et qui dure encore.

On se remit à lire l’Évangile, et, dans ce livre de résignation, de soumission, d’obéissance aux puissances, on lut partout ce qu’on avait soi-même alors dans le cœur : la liberté, l’égalité. Elles y sont partout, en effet, seulement il faut s’entendre : l’égalité dans l’obéissance, comme les Romains l’avaient faite pour toutes les nations ; la liberté intérieure, inactive, toute renfermée dans l’âme, comme on pouvait la concevoir quand, toutes les résistances