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terrible : deux lignes pour un saint, deux ou trois pour un martyr… On n’a pas noté les gémissements, les protestations, les appels au ciel, les prières muettes, les psaumes chantés tout bas entre les blasphèmes des voleurs et des assassins… Ah ! tout cela doit être ailleurs. « Console-toi ! les pleurs des hommes sont gravés pour l’éternité dans la pierre et dans le marbre ! » a dit Christophe Colomb.

Dans la pierre ! Non, dans l’âme humaine. À mesure que j’ai étudié et su davantage, j’ai vu avec consolation qu’en vérité, ces martyres obscurs n’en ont pas moins porté leur fruit, fruit admirable : l’amélioration de ceux qui les virent ou les ouïrent, l’attendrissement des cœurs, l’adoucissement de l’âme humaine au dix-huitième siècle, l’horreur croissante pour le fanatisme et la persécution. Peu à peu il n’y avait plus personne pour appliquer ces lois barbares. L’intendant Lenain (de Tillemont), neveu du janséniste illustre, obligé de condamner à mort l’un des derniers martyrs protestants, lui disait : « Hélas ! Monsieur, ce sont les ordres du roi. » — Il fondait en larmes ; le condamné le consola.

Le fanatisme se mourait de lui-même. Ce n’était pas sans peine, sans travail, que, par moments, les politiques en ravivaient l’étincelle. Quand le Parlement, accusé d’incrédulité, de jansénisme, d’anti-jésuitisme, saisit l’occasion de Calas pour se réhabiliter, quand, d’accord avec le Clergé, il remua au fond du peuple les vieilles fureurs, on les trouva tout endormies. On ne réussit qu’au moyen de