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des maisons religieuses. Cette réduction fut cependant faite avec de grands ménagements. On réserva dans chaque département une maison au moins de chaque ordre, où ceux qui voulaient rester pouvaient toujours se retirer. Qui voulait sortir sortait et touchait une pension. Cela était modéré et nullement violent. Les municipalités, fort douces à cette époque, ne montraient que trop de facilité dans l’exécution. Elles connivaient souvent, inventoriaient à peine, souvent moitié des objets, et à moitié des valeurs réelles. — N’importe ! on ne négligeait rien pour leur rendre ce devoir difficile et dangereux. On avertissait à grand bruit du jour de l’inventaire, du jour maudit où des laïques franchiraient la clôture sacrée. Pour arriver seulement à la porte, les magistrats municipaux devaient d’abord, au péril de leur vie, traverser la foule ameutée, les cris des femmes, les menaces des robustes mendiants que nourrissaient les monastères. Les douces brebis du Seigneur opposaient aux hommes de la loi, forcés d’exécuter la loi, refus, délais, résistance, de quoi les faire mettre en pièces.

Tout cela fut travaillé avec beaucoup d’habileté, une adresse remarquable. S’il était possible d’en faire l’histoire détaillée et complète, on serait fort édifié sur un curieux sujet de haute philosophie : Comment, dans une époque indifférente, incrédule, les politiques peuvent faire, refaire du fanatisme ? — Beau chapitre à ajouter au livre indiqué par un penseur : La Mécanique de l’enthousiasme.