Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/134

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tels adressaient à Mirabeau de grossières injures, dans l’espoir de s’en défaire ; il fut immuable. Plût au ciel que le plus grand homme de mer de ce temps, Suffren, l’eût été aussi ! Selon une tradition qui n’est que trop vraisemblable, un jeune fat de grande naissance eut l’insolence coupable d’appeler en duel cet homme héroïque dont la vie sacrée n’appartenait qu’à la France ; lui, déjà sur l’âge, il eut la bonhomie de répondre et reçut un coup mortel. Le jeune homme était bien en cour, l’affaire fut étouffée. Qui fut ravi ? L’Angleterre ; pour un si beau coup d’épée, elle eût donné des millions.

Le peuple n’eut jamais l’esprit de comprendre ce point d’honneur. Les Belzunce, les Patrice, qui défiaient tout le monde, s’en trouvèrent très mal. L’épée de l’émigration cassa comme verre, sous le sabre de la République.

Si nos officiers de terre, qui n’avaient rien fait, étaient pourtant si insolents, qu’était-ce donc, grand Dieu ! des officiers de marine ? Depuis leurs derniers succès (qui pourtant ne furent le plus souvent que de brillants duels de vaisseau à vaisseau), ils ne se connaissaient plus ; leur orgueil était exalté jusqu’à la férocité. Un des leurs avait le malheur de déroger jusqu’à fréquenter un ancien camarade, devenu officier de terre ; ils le forcèrent de se battre avec lui, pour se laver de ce crime ; chose affreuse, il le tua !

Un officier de marine, Acton, était comme roi de Naples. Les Vaudreuil entouraient la reine et le