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il n’y a qu’un moyen, allons à Versailles !… On dit que le roi est un imbécile, nous placerons la couronne sur la tête de son fils ; on nommera un conseil de régence, et tout ira mieux. »

M. de La Fayette était un homme très ferme et très obstiné. La foule le fut encore plus. Il croyait à son ascendant, avec raison ; il put voir toutefois qu’il se l’était exagéré. En vain il harangua le peuple, en vain il resta plusieurs heures dans la Grève sur son cheval blanc, tantôt parlant, tantôt imposant silence du geste, ou bien, pour faire quelque chose, flattant de la main son cheval. La difficulté allait augmentant ; ce n’étaient plus seulement ses gardes nationaux qui le pressaient, c’étaient des bandes des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau ; ceux-là n’entendaient à rien. Ils parlaient au général par des signes éloquents, préparant pour lui la lanterne, le couchant en joue. Alors il descend de cheval, veut rentrer à l’Hôtel de Ville, mais ses grenadiers lui barrent le passage : « Morbleu ! général, vous resterez avec nous, vous ne nous abandonnerez pas. »

Par bonheur une lettre descend de l’Hôtel de Ville ; on autorise le général à partir, « vu qu’il est impossible de s’y refuser ». — « Partons », dit-il à regret. — Il s’élève un cri de joie.

Des trente mille hommes de garde nationale, quinze mille marchèrent. Ajoutez quelques milliers d’hommes du peuple. L’outrage à la cocarde nationale était pour l’expédition un noble motif. Tout le monde battait des mains sur le passage. Une foule élégante,