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dirigeait une centaine de femmes, de jeunes filles surtout, qui, à son signal, criaient, se taisaient. Elle appelait familièrement des députés par leur nom ou bien demandait : « Qui est-ce qui parle là-bas ? Faites taire ce bavard ! Il ne s’agit pas de ça ! il s’agit d’avoir du pain !… Qu’on fasse plutôt parler notre petite mère Mirabeau… » Et toutes les autres criaient : « Notre petite mère Mirabeau !… » Mais il ne voulait point parler[1]. »

M. de La Fayette, parti de Paris entre cinq et six heures, n’arriva qu’à minuit passé. Il faut que nous remontions plus haut et que nous le suivions de midi jusqu’à minuit.

Vers onze heures, averti de l’invasion de l’Hôtel de Ville, il s’y rendit, trouva la foule écoulée et se mit à dicter une dépêche pour le roi. La garde nationale, soldée et non soldée, remplissait la Grève ; de rang en rang, on disait qu’il fallait aller à Versailles. Beaucoup d’ex-Gardes-françaises, particulièrement, regrettaient leur ancien privilège de garder le roi ; ils voulaient s’en ressaisir. Quelques-uns d’entre eux montent à la Ville, frappent au bureau où était La Fayette ; un jeune grenadier de la plus belle figure, et qui parlait à merveille, lui dit avec fermeté :

« Mon général, le peuple manque de pain, la misère est au comble ; le comité de subsistances ou vous trompe ou est trompé. Cette position ne peut durer ;

  1. Étienne Dumont, Souvenirs, p. 181.