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disputes pour s’occuper avec lui du bien des pauvres. C’est précisément ce qu’un homme (du reste honorable, mais aveugle partisan d’une royauté impossible), c’est ce que fit Malouet.

Il proposa d’organiser une vaste taxe des pauvres, des bureaux de secours et de travail, dont les premiers fonds seraient faits par les établissements de charité, le reste par un impôt sur tous et par un emprunt.

Belle et honorable proposition, appuyée dans un tel moment par la nécessité urgente, mais qui donnait au parti royaliste une redoutable initiative politique. Elle mettait entre les mains du roi un triple fonds, dont le dernier, l’emprunt, était illimité ; elle en faisait le chef des pauvres, peut-être le général des mendiants contre l’Assemblée… Elle le prenait détrôné, et elle le replaçait sur un trône, plus absolu, plus solide, le faisant roi de la famine, régnant par ce qu’il y a de plus impérieux, la nourriture et le pain… Que devenait la liberté ?

Pour que la chose effrayât moins, qu’elle parût toute petite, Malouet rabaissait le nombre des pauvres au chiffre de quatre cent mille, évidemment faux.

S’il ne réussissait pas, il n’en tirait pas moins un grand avantage, celui de donner à son parti, celui du roi, une belle couleur aux yeux du peuple, la gloire de la charité. La majorité, trop compromise en refusant, allait être obligée de suivre, d’obéir, de placer dans la main du roi cette grande machine populaire.