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de se saisir du pouvoir ; cela est vrai de tels de ses membres, faux et très faux du grand nombre. Le caractère de cette assemblée prise en masse, son originalité, comme celle de l’époque, c’était une foi singulière à la puissance des idées. Elle croyait fermement que la vérité, une fois trouvée, formulée en lois, était invincible. Il ne fallait que deux mois (c’était le calcul d’hommes pourtant fort sérieux), dans deux mois la constitution était faite ; elle allait, de sa vertu toute-puissante, contenir tout à la fois et le pouvoir et le peuple ; la Révolution alors était achevée, le monde allait refleurir.

En attendant, la situation était véritablement bizarre. Le pouvoir était ici brisé, là très fort, organisé sur tel point, là en dissolution complète, faible pour l’action générale et régulière, formidable encore pour la corruption, l’intrigue, la violence peut-être. Les comptes de ces dernières années, qui parurent plus tard, montrent assez quelles ressources avait la cour, et comme elle les employait, comme elle travaillait la presse, les journaux, l’Assemblée même. L’émigration commençait, et avec elle l’appel à l’étranger, à l’ennemi, un système persévérant de trahison, de calomnie contre la France.

L’Assemblée se sentait assise sur un tonneau de poudre. Il lui fallut bien, pour le salut commun, descendre des hauteurs où elle faisait la loi, et regarder de près ce qui se passait sur la terre. Grande chute ! Solon, Lycurgue, Moïse, ramené aux soins misérables de la surveillance publique, forcé