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conforme au droit, à la raison absolue. Simples procureurs, rien de plus, sous l’habit de philosophes, quelle raison ont-ils eue de mépriser les praticiens ? Comme eux, ils écrivent la loi sur papier et parchemin ; nous, nous voulions graver la nôtre sur la pierre du droit éternel, sur le roc qui porte le monde : l’invariable justice et l’indestructible équité.

Pour répondre à nos ennemis, qu’il nous suffise d’eux-mêmes et de leurs contradictions. Ils raillent la Déclaration, et ils s’y soumettent ; ils lui font la guerre trente ans, en promettant à leurs peuples les libertés qu’elle consacre. Vainqueurs en 1814, le premier mot qu’ils adressent à la France, ils l’empruntent à la grande formule qu’elle a posée[1]… Vainqueurs ? Non, vaincus plutôt, et vaincus dans leur propre cœur, puisque leur acte le plus personnel, le traité de la Sainte-Alliance, reproduit le droit qu’ils ont blasphémé.

La Déclaration des droits atteste l’Être suprême, garant de la morale humaine. Elle respire le sentiment du devoir. Le devoir, non exprimé, n’y est pas moins présent partout ; partout vous y sentez sa gravité austère. Quelques mots empruntés à la langue de Condillac n’empêchent pas de reconnaître dans l’ensemble le vrai génie de la Révolution, gravité romaine, esprit stoïcien.

  1. Emprunt bien volontaire, puisqu’il est fait, par tous les rois de l’Europe, à la tête de huit cent mille soldats. Ils reconnaissent que chaque peuple a droit de choisir son gouvernement. (Voir Alexandre de Lameth, p. 121.)