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Le bataillon s’ouvrit, se mit en files, laissant voir dans son sein des canons (ceux de la Bastille ?). Il prit la tête du cortège, traînant ses canons… et le roi après.

Devant la voiture du roi allait à cheval, en habit bourgeois, l’épée à la main, la cocarde et le panache au chapeau, le commandant La Fayette. Tout suivait son moindre signe. L’ordre était grand[1], le silence aussi ; pas un cri de « Vive le roi ! » De moment en moment, on criait : « Vive la nation ! » Du Point-du-Jour à Paris, de la barrière à l’Hôtel de Ville, il y avait deux cent mille hommes sous les armes, trente mille fusils et davantage, cinquante mille piques, et, pour le reste, des lances, des sabres, des épées, des fourches, des faux. Point d’uniformes, mais deux lignes régulières dans toute cette longueur immense, sur trois hommes d’épaisseur, parfois sur quatre ou sur cinq.

Formidable apparition de la nation armée !… Le roi ne pouvait s’y méprendre ; ce n’était pas un parti. Tant d’armes, tant d’habits différents, même âme et même silence !

Tous étaient là, tous avaient voulu venir ; personne ne manquait à cette revue solennelle. On voyait même des dames armées près de leurs maris,

  1. Sauf un malheureux hasard ; un fusil partit et une femme fut tuée. Il n’y avait nulle mauvaise intention pour le roi.

    Tout le monde était royaliste, et l’Assemblée, et le peuple. Marat l’était encore en 1791. Dans une lettre inédite de Robespierre (que M. Degeorge m’a communiquée à Arras), il paraît croire à la bonne foi de Louis XVI, dont il raconte la visite à la Ville de Paris (23 juillet 1789).