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garde citoyenne (alors c’était tout le peuple) amena au-devant des députés, au son de la musique militaire, le Garde-française qui le premier avait arrêté le gouverneur de la Bastille ; il était conduit en triomphe sur la voiture de De Launay, couronné de lauriers, portant la croix de Saint-Louis que le peuple arracha au geôlier pour la mettre à son vainqueur… Il ne voulait pas la garder ; toutefois, avant de la rendre, en présence des députés, il s’en para bravement, la montrant sur sa poitrine[1]… La foule applaudit, les députés applaudirent, couvrant de leur approbation ce qui s’était fait la veille.

Autre incident, plus clair encore. Dans les discours qu’on fit à l’Hôtel de Ville, M. de Liancourt, bon homme, mais étourdi, dit que le roi pardonnait volontiers aux Gardes-françaises. Plusieurs d’entre eux étaient là qui s’avancèrent, et l’un d’eux : « Nous n’avons que faire de pardon, dit- il. En servant la nation, nous servons le roi ; les intentions qu’il manifeste aujourd’hui prouvent assez à la France que nous seuls peut-être nous avons été fidèles au roi et à la patrie. »

Bailly est proclamé maire, La Fayette commandant de la milice citoyenne. On part pour le Te Deum.

  1. Camille Desmoulins, si amusant ici et partout, triomphait aussi à sa manière : « Je marchais l’épée nue », etc. (Correspondance, p. 18, 1836.) Il a pris un beau fusil aux Invalides avec une baïonnette et deux pistolets ; s’il ne s’en est pas servi, c’est que malheureusement la Bastille a été prise si vite !… Il y a couru, mais c’était trop tard. Plusieurs vont jusqu’à dire que c’est lui qui a fait la Révolution (p. 33) ; lui, il est trop modeste pour le croire.