Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/276

Cette page a été validée par deux contributeurs.

voulait le sauver. Il lui dit tout son danger, la grandeur du mouvement, son irrésistible force, qu’il devait l’accepter, devancer le duc d’Orléans, se rapprocher de l’Assemblée… Louis XVI, mal éveillé (et qui ne s’éveilla jamais) : « Mais quoi ? c’est donc une révolte ? — Sire, c’est une révolution. »

Le roi ne cachait rien à la reine ; on sut tout chez le comte d’Artois. Ses serviteurs eurent grand’peur ; la royauté pouvait se sauver à leurs dépens. Un d’eux, qui connaissait le prince, le prit par son côté sensible, par la peur, lui dit qu’il était proscrit au Palais-Royal, comme Flesselles et De Launay, qu’il pouvait calmer les esprits, en s’unissant au roi dans la démarche populaire qu’imposait la nécessité. Le même homme, qui était député, courut à l’Assemblée (il était minuit), y trouva le bonhomme Bailly, qui n’osait aller coucher et lui demanda, de la part du prince, un discours que le roi pût prononcer le lendemain.

Il y avait quelqu’un, à Versailles, affligé autant que personne. Je parle du duc d’Orléans. Le 12 juillet, son buste avait été porté triomphalement, puis brutalement cassé. Et tout avait fini là, personne ne s’en était ému. Le 13, quelques-uns parlèrent de lieutenance générale, mais ce peuple était comme sourd, il n’entendait pas ou ne voulait pas entendre. Le 14, au matin, Mme  de Genlis fit la démarche, audacieuse, incroyable, d’envoyer sa Paméla avec un rouge laquais, tout au milieu de l’émeute[1]. Quelqu’un

  1. Mme  Lebrun, Souvenirs, I, 189.