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Pendant ces longs et vains discours, on apporta, on lut un billet que l’on venait de saisir ; Besenval écrivait à De Launay de tenir jusqu’à la dernière extrémité.

Pour sentir le prix du temps, dans cette crise suprême, pour s’expliquer l’effroi du retard, il faut savoir qu’à chaque instant il y avait de fausses alertes. On supposait que la cour, instruite à deux heures de l’attaque de la Bastille, commencée depuis midi, prendrait ce moment pour lancer sur Paris ses Suisses et ses Allemands. Ceux de l’École militaire passeraient-ils le jour sans agir ? Cela n’était pas vraisemblable. Ce que dit Besenval du peu de fond qu’il pouvait faire sur ses troupes a l’air d’une excuse. Les Suisses se montrèrent très fermes à la Bastille, il y parut au carnage ; les dragons allemands avaient tiré plusieurs fois le 12, tué des Gardes-françaises ; ceux-ci avaient tué des dragons ; la haine de corps assurait la fidélité.

Le faubourg Saint-Honoré dépavait, se croyait attaqué de moment en moment ; La Villette était dans les mêmes transes et effectivement un régiment vint l’occuper, mais trop tard.

Toute lenteur semblait trahison. Les tergiversations du prévôt le rendaient suspect, ainsi que les électeurs. La foule indignée sentit qu’elle perdait le temps avec eux. Un vieillard s’écrie : « Amis, que faisons-nous là avec ces traîtres ! Allons plutôt à la Bastille ! » Tout s’écoula ; les électeurs stupéfaits se trouvèrent seuls… L’un d’eux sort, et, rentrant tout