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à coups de marteau ; chaque coup faisait feu sur les clous.

Point de fusils ! Il fallait aller les prendre, les enlever des Invalides. Cela était très hasardeux. Les Invalides sont, il est vrai, une maison tout ouverte. Mais le gouverneur Sombreuil, vieux et brave militaire, avait reçu un fort détachement d’artillerie et des canons, sans compter ceux qu’il avait. Pour peu que ces canons servissent, la foule pouvait être prise en flanc par les régiments que Besenval avait à l’École militaire, facilement dispersée.

Ces régiments étrangers auraient-ils refusé d’agir ? Quoi qu’en dise Besenval, il est permis d’en douter. Ce qui apparaît bien mieux, c’est que, laissé sans ordre, il était lui-même plein d’hésitation et comme paralysé d’esprit. Le matin même, à cinq heures, il avait eu une visite étrange. Un homme entre, pâle, les yeux enflammés, la parole rapide et courte, le maintien audacieux… Le vieux fat, qui était l’officier le plus frivole de l’Ancien-Régime, mais brave et froid, regarde l’homme et le trouve beau ainsi : « Monsieur le baron, dit l’homme, il faut qu’on vous avertisse pour éviter la résistance. Les barrières seront brûlées aujourd’hui[1] ; j’en suis sûr, et n’y peux rien, vous non plus. N’essayez pas de l’empêcher. »

  1. On voit par ce mot qu’à cinq heures, il n’y avait aucun plan de formé. L’homme en question, qui n’était pas du peuple, répétait, selon toute apparence, les bruits du Palais-Royal. Les utopistes s’entretenaient depuis longtemps de détruire la Bastille, formaient des plans, etc. Mais l’idée héroïque, insensée, de la prendre en un jour, ne put venir qu’au peuple même.