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la reine et les princes ; le dernier les flétrissait. — L’Assemblée reprit ainsi sa noble attitude ; désarmée au milieu des troupes, sans autre appui que la loi, menacée pour le soir même de dispersion, d’enlèvement, elle marqua bravement ses ennemis à la face, de leur vrai nom : banqueroutiers[1].

L’Assemblée, après ce vote, n’avait qu’un asile, l’assemblée même, la salle qu’elle occupait ; hors de là, pas un pouce de terre au monde ; aucun de ses membres n’osait plus coucher chez lui. Elle craignait aussi que la cour ne mit la main sur ses archives. La veille, le dimanche, l’un des secrétaires, Grégoire, avait enveloppé, scellé, caché tous les papiers dans une maison de Versailles[2]. Le lundi, il présida par intérim, soutint de son grand courage ceux qui mollissaient, leur rappelant le Jeu de paume et le mot du Romain : « Que le monde croule, les ruines le frapperont sans l’effrayer. » (Impavidum ferient ruinæ.)

On déclara la séance permanente, et elle continua pendant soixante-douze heures. M. La Fayette, qui n’avait pas peu contribué au vigoureux arrêté, fut nommé vice-président.

Paris était cependant dans la plus vive anxiété. Le faubourg Saint-Honoré croyait de moment en moment voir entrer les troupes. Malgré les efforts des électeurs qui coururent la nuit pour faire déposer les armes,

  1. Ils allaient faire les payements avec un papier-monnaie, sans autre garantie que la signature d’un roi insolvable (Voir plus haut, ch. V, p. 219.)
  2. Mém. de Grégoire, I, 382.