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Mais il avait plusieurs détachements de divers corps, et trois régiments disponibles, un de Suisses et deux de cavalerie allemande. Vers l’après-midi, voyant le trouble augmenter, il mit ses Suisses dans les Champs-Élysées avec quatre pièces de canon, et réunit ses cavaliers sur la place Louis XV. Avant le soir, avant l’heure où l’on rentre le dimanche, la foule revenait par les Champs-Élysées, remplissait les Tuileries ; c’étaient généralement des promeneurs inoffensifs, des familles qui voulaient rentrer de bonne heure, « parce qu’il y avait du bruit ». Cependant la vue de ces soldats allemands, en bataille sur la place, ne laissait pas d’émouvoir. Des hommes dirent des injures, des enfants jetèrent des pierres[1]. C’est alors que Besenval, craignant à la fin qu’on ne lui reprochât à Versailles de n’avoir rien fait, donna l’ordre insensé, barbare, digne de son étourderie, de pousser ce peuple avec les dragons. Ils ne pouvaient se mouvoir dans cette foule compacte qu’en écrasant quelques personnes. Leur colonel, le prince de Lambesc, entre dans les Tuileries, mais d’abord au pas. Il rencontre une barricade de chaises ; les bouteilles, les pierres, commencent à pleuvoir sur lui ; il répond par des coups de feu. Les femmes jettent des cris perçants ; les hommes se

  1. S’il y avait eu des coups de pistolet tirés par le peuple, des dragons blessés, comme l’affirmer Besenval; son très habile défenseur, Desèze, ne manquerait pas de le faire valoir dans ses Observations sur le rapport d’accusation. (Voir le rapport, Hist. parlementaire, IV, 69 ; et Desèze, à la suite de Besenval, II, 369.) Qui croire, Desèze, qui prétend que Besenval ne donna pas l’ordre, ou Besenbal, qui avoue devant ses juges qu’il lui prit envie de repousser ce peuple et qu’il ordonna de charger ? (Hist. parl., II, 89.)