Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/233

Cette page a été validée par deux contributeurs.

personne encore à Paris ne savait le renvoi de Necker. Le premier qui en parla au Palais-Royal fut traité d’aristocrate, menacé. Mais la nouvelle se confirme, elle circule, la fureur aussi… À ce moment, il était midi, le canon du Palais-Royal vint à tonner. « On ne peut rendre, dit l’Ami du Roi, le sombre sentiment de terreur dont ce bruit pénétra les âmes. » Un jeune homme, Camille Desmoulins, sort du café de Foy, saute sur une table, tire l’épée, montre un pistolet : « Aux armes ! les Allemands du Champ de Mars entreront ce soir dans Paris pour égorger les habitants ! Arborons une cocarde ! » Il arrache une feuille d’arbre et la met à son chapeau : tout le monde en fait autant ; les arbres sont dépouillés.

« Point de théâtres, point de danse ! c’est un jour de deuil ! » On va prendre au cabinet des figures de cire le buste de Necker ; d’autres, toujours là pour profiter des circonstances, y joignent celui d’Orléans. On les porte couverts de crêpes à travers Paris ; le cortège, armé de bâtons, d’épées, de pistolets, de haches, suit d’abord la rue Richelieu, puis, en tournant le boulevard, les rues Saint-Martin, Saint-Denis, Saint-Honoré, et vient à la place Vendôme. Là, devant les hôtels des fermiers généraux, un détachement de dragons attendait le peuple ; il fondit sur lui, le dispersa, lui brisa son Necker ; un Garde-française sans armes resta ferme et fut tué.

    dérez quel serait le funeste effet d’un mouvement séditieux. Si vous avez le malheur de vous y livrer, vous êtes traités en révoltés ; le sang coule », etc. Cette sagesse fut celle de beaucoup de gens.