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d’une éducation modèle, la constante exhibition de la jolie Paméla[1]. De ce côté du palais est le bureau philanthropique où la charité s’organise à grand bruit la veille des élections[2].

Le temps n’est plus où le prince jockey pariait, après souper, de courir tout nu de Paris à Bagatelle. C’est aujourd’hui un homme d’État avant tout, un chef de partis ; ses maîtresses le veulent ainsi. Elles ont rêvé deux choses, une bonne loi de divorce et un changement de dynastie. Le confident politique du prince est cet homme sombre, taciturne, qui semble vous dire : « Je conspire, nous conspirons. » Ce profond Laclos, qui, par son petit livre des Liaisons dangereuses, se flatte d’avoir fait passer le roman du vice au crime, y insinue que la galanterie scélérate est un prélude utile au scélérat politique. C’est ce nom qu’il ambitionne, ce rôle qu’il joue à ravir… Plusieurs disent, pour flatter le prince : « Laclos est un homme noir. »

Il n’était pourtant pas facile de faire un chef de parti de ce duc d’Orléans ; il était usé, à cette époque, fini de corps et de cœur, très faible d’esprit. Des fripons lui faisaient faire de l’or dans les greniers du Palais-Royal, et ils lui avaient fait faire la connaissance du diable[3].

  1. Jusqu’à l’envoyer à cheval au milieu de l’émeute, suivie d’une domestique à la livrée d’Orléans. Lire Mme Lebrun (Souvenir, I, 189), qui fut témoin de cette scène.
  2. Brissot y travailla quelque temps. (Mémoires, II, 430.)
  3. Le prince y faisait de l’or, comme on en fait toujours, avec de l’or. Cependant il y fallait aussi, entre autres ingrédients, un squelette humain qui fût